Psycho : Chanson et inconscient collectif

Les fables d’Esope (VI et Vème siècle av JC – plagiées largement par Lafontaine) tout comme les contes de Perrault apparemment tentaient de préparer la population contre les comportements humains. Alors que monsieur Perrault aurait tenté de prévenir des dangers de la pédocriminalité par la publication du chaperon rouge en 1697*, d’autres textes dont certaines chansons pouvaient s’avérer grivoises voire graveleuses pour dédramatiser certaines situations …mais aussi peut-être pour travailler l’inconscient collectif au profit des déviances de leurs interprètes ou commanditaires.

Les chansons d’humour noir de Laura Laune correspondent certainement à la première version mais que pensez de la chanson écrite par Claude Lemesle mais interprétée par le fils de Françoise Dolto, Carlos diffusée auprès d’enfants très régulièrement ? Même si le parolier a toujours défendu l’idée qu’il destinait ses paroles aux adultes, son interprète les chantait aux enfants notamment au Club Dorothée ou à Pas de pitié pour les croissants quand les parents parfois dormaient encore (…). La chanson Tirelipimpon est sortie en 1989.

Après avoir lu la page dédiée à sa mère ainsi que la retranscription d’une interview tristement mémorable, sans doute pourrions-nous nous poser la question de ce qui a amené les gestionnaires de la programmation a accepter de diffuser de telles chansons aux enfants… Lorsque Dorothée a rejoint TF1 pour le Club Dorothée (à partir de 1987), elle a négocié un rôle où elle devenait la responsable de ces programmes pour la jeunesse. Durant ses années sur Antenne 2 avec Récré A2 (1978-1987), Dorothée n’était pas responsable de la programmation. C’était sa patronne, Jacqueline Joubert, qui prenait toutes les décisions.

Il n’est donc pas impossible que la diffusion de Tirelipimpon en 1989 ait eu lieu par choix, si pas de Dorothée, de sa direction. Était-ce pédagogique de transmettre des chansons grivoises aux enfants même à cette époque ? Était-ce par méconnaissance des conséquences sur les enfants ou pour insuffler un courant de pensées déviantes que Dolto ainsi que son cercle lacanien semblait défendre ? Nul n’est moins certain aujourd’hui mais le souligner permet de rester attentif au silence étonnant à l’encontre de l’inceste et de pratiques équivalentes touchant apparemment environ 1 enfant sur 10 aujourd’hui (chiffres peu académiques mais remportant un certain consensus).

(…)

Attention les petits loups,
Vous êtes prêts pour le tirelipimpon ?
Ouais !
L’été dernier, fatigué, je suis parti sur une chaloupe,
Bronzer ma carte de crédit à la Guadeloupe.
Dans un palace en bambous j’ai rencontré Banana,
La fille du roi des vaudous qui m’a fait un truc extra.
Mais qu’est-ce qu’elle t’a fait Banana ?
Tirelipimpon sur le Chihuahua.
Tirelipimpon avec la tête avec les bras.
Tirelipimpon un coup en l’air un coup en bas.
Touche mes castagnettes moi je touche à tes ananas !
Bronzé comme une coco girl**, je suis parti à Tokyo,
Pour voir le soleil levant. C’est beau ! C’est beau !
Au pied du Fuji-Yama, j’ai rencontré Tatoumi,
L’ami du roi des geishas qui m’a fait un truc inédit.
Mais qu’est-ce qu’elle t’a fait Tatoumi ?
Tirelipimpon sur le Chihuahua.
Tirelipimpon avec la tête avec les bras.
Tirelipimpon un coup en l’air un coup en bas.
Touche mes castagnettes moi je touche à tes ananas !
Comme j’avais un rendez-vous, j’ai pris mon jeans mes babouches,
Et sur le Nil je suis parti me la couler douce.
A l’hôtel des Pyramides, j’ai rencontré Osiris,
La Madonna des harems qui m’a fait un truc pas triste !
Mon fils, mais qu’est-ce qu’elle t’a fait Osiris ?
Tirelipimpon sur le Chihuahua.
Tirelipimpon avec la tête avec les bras.
Tirelipimpon un coup en l’air un coup en bas.
Touche mes castagnettes moi je touche à tes ananas !
Et après… et après…
Est-ce que tu as vu la Sophie ?
La Sophie du Burundi qui fait danser les bananes, dis ?
Oui, oui, Sophie, Sophie, oui ! Oui !
Sur le chemin du retour, comme il faisait chaud, dis donc,
Je suis passé voir Sophie. C’est bon ! C’est bon !
Sous un baobab géant, elle m’a fait l’eucalyptus,
Un truc qu’aiment les éléphants, mais là je t’en dis pas plus !
Mais qu’est-ce qu’elle t’a fait la Sophie ?
Tirelipimpon sur le Chihuahua.
Tirelipimpon avec la tête avec les bras.
Tirelipimpon un coup en l’air un coup en bas.
Touche mes castagnettes moi je touche à tes ananas

* études notamment de Marina Warner From the Beast to the Blonde: On Fairy Tales and Their Tellers (1994) , de Maria Tatar : The Classic Fairy Tales: Texts, Criticism (2004) et de Yvonne Verdier Façons de dire, façons de faire (1979)

Maria Tatar souligne que Perrault, en supprimant l’échappatoire présente dans les versions orales, a créé un conte plus sombre et plus directif. La conclusion tragique (le Chaperon est mangé) et la morale explicite en vers sont pour elle la preuve la plus solide que l’intention de Perrault était d’alerter les jeunes filles de la Cour contre les prédateurs masculins (le loup doucereux) qui n’hésitent pas à pénétrer l’espace privé pour profiter de leur innocence.

** Serait-ce en lien avec l’émission satirique de Stéphane Collaro, Cocoricocoboy diffusée sur TF1 de mars 1984 à juin 1987 durant laquelle, des femmes aux seins nus étaient présentées durant des périodes de grande audience. Cette émission succédait à une émission intitulée Co-Co Boy